Daniel Dauvois
Texte édité par Jean Michel Ollé
La critique d’art picturale naît précisément avec les Réflexions critiques sur l’état de la peinture en France de La Font de Saint-Yenne, parues en 1747 ; elle s’ordonne à la manifestation périodique du Salon, où les peintres de l’Académie royale viennent présenter leurs productions de l’année. Or le premier critique prétend s’autoriser de son ignorance et de son amateurisme ; il veut juger en n’étant ni peintre, ni expert, ni collectionneur, ni marchand d’art. On essaie de comprendre comment la pensée esthétique de l’abbé Dubos, professée en 1718 avec les Réflexions critiques sur la poésie et la peinture, a pu fonder ou du moins rendre possible à certains égards cette innovation radicale dans les jugements de goût que fut la critique. Dubos apparaîtra moins comme un fondement dans une histoire conceptuelle qu’au titre de boîte à outils parmi laquelle La Font ira chercher les instruments bricolés mais efficaces de sa justification. On confirmera la contingence relative de ces rapports inauguraux avec le contrepoint de Baillet de Saint-Julien, tout jeune critique apparu dans l’immédiate filiation de La Font, et qui annonce davantage les formes de l’effort critique chez un Diderot, que n’a pu faire La Font, tout tendu vers la restauration des droits du grand goût classique. La critique naît plurielle et sans paternité fondatrice, c’est un événement qui ne s’autorise principalement que de soi.
Daniel Dauvois est professeur de philosophie honoraire en khâgne moderne. Il assure un séminaire de recherche sur les arts à l’âge classique, à Paris I. Il a ordonné et publié, avec D Dumouchel, un ouvrage collectif sur l’abbé Dubos, Vers l’esthétique, Hermann, 2015 ; et dirigé Les règles et les manières, Hermann, 2016, sur Abraham Bosse.
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